Ces doutes transparaissent tout particulièrement en Europe continentale. Peut-être les éditeurs britanniques et américains éprouvent-ils moins de difficultés. De fait, en anglais, il est possible de constituer des audiences mondiales énormes – le New York Times, le Daily Mail et le Guardian l’ont tous démontré. Mais étant Italien, j’observe que c'est beaucoup plus difficile pour les journaux italiens - et les journaux d'autres pays adossés à des espaces linguistiques plus restreints.
Le défi pour les éditeurs européens est donc évident, mais quel est le rôle de Google ?
Pour commencer:Google reconnaît la valeur d'un travail journalistique de qualité, et admire les journalistes qui le pratiquent. En défenseurs résolus de la liberté de circulation de l'information, nous sommes conscients du rôle essentiel que jouent ces derniers dans toute société démocratique.
Nous savons que les sociétés de technologie et les organes de presse appartiennent au même écosystème de l'information et nous voulons jouer notre rôle dans ce travail commun visant à trouver des modèles plus durables pour l'information.
Je suis résolument convaincu que Google a toujours voulu être à la fois complice et partenaire du secteur de l'information, mais je reconnais également que nous avons commis quelques erreurs en chemin. Après tout, nous sommes une société « techno » adolescente !
Au fil des années, la relation de Google avec le secteur de l’information a parfois donné lieu à des malentendus, et – oserais-je dire – la vérité a parfois été déformée. Je voudrais donc vous demander quelques instants pour vous montrer comment nous travaillons avec le secteur de l’information.
Avec Google Actualités et Google Search, nous redirigeons plus de 10 milliards de visites, gratuitement, vers les sites d'informations tous les mois. Google peut s'enorgueillir de ce résultat car ces lecteurs représentent des recettes bien réelles pour les éditeurs.
Et à travers nos plates-formes publicitaires, comme AdSense, nous avons partagé 10 milliards de dollars avec les éditeurs du monde entier en 2014.
Aujourd'hui plus de 65 000 éditeurs sont présents sur Google Actualités, et je tiens à préciser très clairement qu'ils ont la maîtrise du contenu qu'ils diffusent. Ils font la demande pour être présents sur
Google Actualités. Et s’ils souhaitent que leur contenu ne figure pas sur Google Actualités ou dans les résultats de notre moteur de recherche, ils peuvent à tout moment se désinscrire en intégrant un code simple qui nous donne l'instruction de ne pas les indexer.
Nous travaillons également avec un nombre croissant d’éditeurs qui veulent vendre leur contenu directement aux consommateurs, particulièrement sur tablettes et smartphones. Google Play - la plateforme de contenu de notre système d'exploitation Android – permet aux éditeurs de journaux et de magazines de proposer à leurs lecteurs d’accéder à leur contenu à travers un abonnement – payant ou gratuit. Nous travaillons en étroite collaboration avec les éditeurs pour améliorer leur visibilité et les aider à monétiser leurs applications d’actualité. Et aujourd'hui de nombreuses sources d'informations proposent leur contenu sur Google Play Kiosque dans plus de 19 pays.
Enfin, nous aidons les éditeurs à constituer leur audience et à la fidéliser grâce à des outils technologiques gratuits, via YouTube, la diffusion en direct avec Hangout on Air ou le journalisme de données.
Nous collaborons avec les organes de presse pour les aider à tirer le meilleur parti possible de cette technologie – en vue de fidéliser plus durablement leurs lecteurs par leur contenu et de mieux monétiser leur lectorat.
Mais nous pensons que nous pouvons faire plus et mieux, notamment en Europe. Aujourd'hui, je suis heureux d'annoncer – aux côtés d’une série d’éditeurs et d’organisations journalistiques européens – la « Digital News Initiative » pour soutenir le journalisme de qualité par la technologie et l’innovation.
Qu'allons-nous faire ensemble ?Il y a quelques mois, nous avons organisé une « non-conférence » baptisée Newsgeist à Phoenix dans l’Arizona, où nous avons réuni toute une série d’éditeurs, rédacteurs et journalistes avec des ingénieurs, des développeurs. Le principe d'une « non-conférence » est que les participants choisissent l'ordre du jour, et le titre qu'ils ont donné à l'une des séances était : « Que pourrait faire Google ? » pour l'avenir du journalisme.
Plusieurs grands éditeurs européens étaient présents, et leur message était clair et net : ENCORE PLUS DE COLLABORATION. Nous avons alors engagé une conversation sérieuse avec plusieurs grands éditeurs européens, et c'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
Nous prévoyons de
collaborer ensemble dans trois grands domaines clés.
Tout d'abord, le
développement de produits. Nous travaillerons avec les éditeurs partout en Europe en vue d’étudier les possibilités de développements de produits permettant d’accroître le revenu, le trafic et le degré d’engagement de l'audience. Au fil des ans, nous avons travaillé sur une série d’initiatives liées à l’actualité, mais nous avons eu tendance à travailler de manière isolée, ce qui nous a valu des retours montrant que Google pouvait être un partenaire de travail compliqué, et parfois imprévisible !
Nous voulons changer cela – en fait, ma mission est de changer cela !
Ensuite, nous allons fortement augmenter nos
investissements dans la formation et la recherche liées aux actualités numériques en Europe. Grâce à l’équipe News Lab que nous venons de mettre sur pied, nous allons pour la première fois affecter des développeurs au service des salles de rédaction européennes. Nous mettons en place des programmes de formation avec plusieurs organisations de journalisme, notamment l’
European Journalism Centre, le
Global Editors Network et l’
International News Media Association.
Dans un paysage médiatique en constante évolution, nous allons également investir dans la recherche. Nous avons mis en place un partenariat avec le Reuters Institute à Oxford pour obtenir la vision la plus poussée et la plus complète possible de la manière dont évolue la consommation d’actualités en Europe. Pour 2016, le
Reuters Institute Digital News Report sera élargi à 20 pays européens – créant ainsi un guide essentiel pour les décideurs du secteur.
Nous créerons un programme de bourses pour les établissements d'enseignement supérieur désireux d'effectuer des recherches dans le domaine en plein essor du journalisme computationnel. Et forts de la réussite des
Google Journalism Fellowships, nous étendrons à l’Europe ce programme en ciblant les étudiants souhaitant utiliser la technologie pour raconter des histoires de façon innovante et dynamique.
Enfin, nous créons aujourd'hui un fonds européen doté de 150 millions d'euros pour
stimuler et encourager l'innovation dans le journalisme numérique au sein du secteur de l’information journalistique en Europe, pour les trois prochaines années. Les retours que nous obtenons des éditeurs et des rédacteurs font clairement ressortir une volonté très forte de mener librement des expériences, mais la prise de risque comporte un coût. Tout l’objet du fonds dédié à l'innovation est de créer des bourses pour financer des projets qui font preuve d'une mentalité nouvelle dans le journalisme numérique. Personne ne sait d’où viendra la prochaine grande idée – mais nous voulons aider à stimuler et à susciter les idées de ceux qui sont les plus proches du terrain, de ceux qui appréhendent le mieux l’évolution du journalisme. Tous ceux qui travaillent sur l'innovation dans l’actualité en ligne en Europe pourront demander un financement, y compris les éditeurs nationaux et régionaux, les nouveaux acteurs et les pure players.
Ayant été associé de près au fonds pour l'innovation numérique de la presse en France au cours des trois dernières années, je peux dire avec certitude que cette initiative a contribué à la création de plusieurs projets véritablement inspirés et innovants.
Le Monde a créé une offre nouvelle pour le mobile et les tablettes, à travers une application qui a permis d’améliorer fortement l’engagement, conduisant à une augmentation du nombre de pages vues et du temps passé.
Slate.fr a créé un nouveau type de lecteur, avec un modèle financé par la publicité native, qui fournit et organise du contenu adapté aux centres d’intérêt de l’utilisateur sur les réseaux sociaux. C’est un outil très efficace pour les journalistes mais aussi un site passionnant pour les lecteurs.
Mais ce ne sont que deux exemples parmi plus de 50 projets financés en France, ce qui démontre les résultats qui peuvent être obtenus lorsque nous discutons et que nous travaillons ensemble.
Je suis donc enchanté d'annoncer que certains des plus grands éditeurs européens se joignent à nous pour annoncer la « Digital News Initiative »
Et cette initiative n'a pas pour vocation à être un club fermé - n'importe quel éditeur européen, qu'il soit grand ou petit, qu’il s’agisse d’un acteur traditionnel ou d'un nouvel arrivant, qui souhaite participer à l'un des éléments de cette initiative sera le bienvenu.
Les organisations de journalisme – qui jouent un rôle tellement important pour orienter le secteur de l’information journalistique dans la transition vers le numérique – sont également les bienvenues, et je suis heureux de déclarer que nous allons nouer un partenariat avec l’
European Journalism Centre, le
Global Editors Network et l’
International News Media Association. Et ce n'est que le début – nous invitons tous les autres acteurs à nous rejoindre. Vous pouvez trouver tous les détails sur le site
digitalnewsinitiative.com ou encore utiliser un bon moteur de recherche.
En conclusion:Ce serait magnifique s'il existait une grande idée permettant de résoudre tous les problèmes du secteur de l’information journalistique. Alors, permettez-moi de dire ceci : à travers cette initiative, Google ne prétend pas réinventer le journalisme ou trouver la panacée pour soigner tous les maux qui touchent le secteur de l’information journalistique. Ce n'est ni notre responsabilité ni une ambition à laquelle nous pourrions prétendre.
Je me dois aussi de dire très clairement que malgré notre admiration pour le journalisme de qualité, nous n’avons nullement le projet de nous lancer dans le métier d’agence de presse ou d’éditeur d’informations. Et pourtant, il semble que nous parvenions assez bien à générer de l’information !
Je ne peux pas promettre que ce processus se déroulera de manière paisible. Chez Google, nous savons bien que l'innovation n’est jamais un processus linéaire. Bien au contraire, ce processus est toujours désordonné et le changement est souvent le fruit du hasard. Parfois - souvent - nos efforts se soldent par un échec.
Mais je suis convaincu que nous obtiendrons beaucoup plus de résultats si le journalisme et la technologie travaillent ensemble plutôt que séparément.
Merci.
Posté par Marie Tanguy, Communication Corporate.